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Les nouvelles chroniques d'Annamel : Velux 11ème et dernier épisode




Velux observait son Papounet avec désolation. En quelques mois JBB avait tellement enflé qu’on aurait dit une toupie ou une montgolfière selon la perspective choisie. C’était un changement vertigineux. Cela avait commencé ce fameux samedi où il avait perdu son chien Velux, le teckel à poil dur et descendu son frère cadet, JB le garagiste, d’un coup de carabine même si, le lecteur s’en souvient, il n’y avait pas de lien direct ou évident entre ces deux évènements.

À partir de ce jour, et sans que nul ne se l’expliquât clairement, JBB avait commencé à gonfler. On aurait dit qu’une main invisible actionnait une pompe et gonflait la chambre à air qui entourait son ventre de centimètres supplémentaires tous les jours et qu’il allait bientôt falloir lui accrocher des sacs de sable à la ceinture pour le lester au sol. Il n’était pas à proprement parler gros, ou gras, il était juste terriblement gonflé.

On aurait dit que la colère accumulée depuis tant d’années sans objet précis sur lequel la déverser, et par la même l’évacuer, ou la frustration confuse et décuplée dès lors que l’on tentait de lui faire valoir que sa vie au sens large, son statut, sa fortune, sa femme, somme toute, auraient pu convenir à de moins bien lotis que lui, ou encore une certaine forme d’impuissance, bref, tout cet amas de contrariétés que l’on peut accumuler dans une vie comme on accumule tant d’objets inutiles, oui, on aurait dit que ça ne circulait plus, ça restait stocké autour de son ventre comme une bouée sans canard, telle une monstrueuse et improbable gestation.

Velux, quant à lui, résistait à tout. Il résistait vaillamment aux doses de poison mortelles dans sa pâtée qu’Odette lui servait tous les mercredis, le jour des tétines de vache de son grand loup. Il y avait même pris goût, Velux, à cette pâtée un peu spéciale et à la façon anxieuse qu’avait Odette de l’observer finir sa gamelle. Il s’amusait même à en laisser un peu dedans pour le simple plaisir de l’agacer. Mais ce qu’il préférait par-dessus tout, c’était geindre longuement pile poil une heure après avoir mangé, allongé sur le dos, le regard larmoyant et désespéré et voir alors son cylindrique Papounet lui masser le ventre en mouvements circulaires pendant qu’Odette passait dix fois la tête dans la chambre qu’il occupait désormais de façon exclusive avec JBB pour voir comment il allait.


***

Odette lève les yeux vers le ciel limpide. Il fait un froid sec, ce qui n’est somme toute pas si fréquent dans notre bon village de Cons sur Lombes. Une musique guillerette, comme la ritournelle d’un manège semble émaner du ciel. Une belle montgolfière rouge et orange passe au-dessus de la tête d’Odette. Velux est à bord et il parait s’épuiser à déverser des sacs de grosses coupures par-dessus bord comme pour délester l’embarcation.

Odette tente d’ajuster sa vision, en fait de montgolfière, c’est JBB, son grand loup qui est devenu une montgolfière. Oui, c’est bien cela, Odette le voit désormais nettement : JBb s’est transformé en montgolfière, il vole dans les airs au son d’une musique enfantine et Vélux est avec lui et la montgolfière perd des sacs entiers de grosses coupures qui font comme de jolis papillons de toutes les couleurs en retombant lentement sur le sol.

Odette se sent incroyablement légère. Une allégresse, oui c’est bien le mot, de l’allégresse, comme elle n’en a jamais connu de telle, s’empare d’elle. Elle a envie de rire. Elle a envie de courir après la montgolfière, de lui faire des grands signes, de s’envoler avec elle.

Pure allégresse…


Fin

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