Générations mères d’Y… ou la complainte du choco BN*
On est une bande de copines de bacs à sable. On s’est connues dans les années 90 par le boulot ou par nos enfants, à la crèche, aux kermesses de maternelle, ou dans les interminables compétitions de judo (quand je voyais déjà ma petite merveille de fils se faire rétamer en deux temps trois mouvements par une gamine en queue de cheval et à l’air frondeur annonciateur des « me too » à venir).
On se retrouvait en paquets le dimanche après-midi dans les jardins publics de Paris, mères et hordes d’enfants pour s’aérer mutuellement et tenter d’éviter, ce faisant, les inéluctables infanticides des dimanches soir de novembre. Serrées sur un banc, le choco BN à la main (un choco BN ! quelle horreur !), surveillant de loin nos grappes de nains et intervenant mollement pour que nos nains à nous ne tuent pas les autres nains, on se racontait nos galères de mères**.
Aujourd’hui on est toutes là, mères de la génération Y, mères de trentenaires, grand-mères ou en passe de l’être. Et on va mal…tellement mal qu’on n’ose pas raconter nos guerres à voix haute, on fait même semblant de ne pas s’en souvenir.
Déjà qu’on se sentait hyper coupables pour la planète et pour cette façon que l’on a eue, totalement égoïste, de la consommer, voilà que l’on découvre désormais, en creux, quelles mauvaises mères nous fûmes.
D’abord, pour commencer, comment avons-nous pu nourrir nos bébés autrement qu’avec du lait maternel ? Leur donner à manger des petits filous, des Danettes au chocolat, des chocos BN, voire même des bonbons Haribo ?
Comment avons-nous pu les laisser dormir sur le ventre ? S’enticher de doudous fabriqués en Chine ? Laisser leurs membres s’ébattre dans une liberté anxiogène alors qu’il convenait de les envelopper très serrés tels des momies pour qu’ils se sentent en sécurité ? Les laisser pleurer ? Les menacer de représailles s’ils continuaient à pleurer ?
Comment avons-nous pu reprendre le boulot en courant avant même parfois la fin du congé maternité auquel nous avions droit ?
Et les mettre à la crèche le matin pour ne les récupérer que le soir (« on ne fait pas des enfants pour les laisser toute la journée à la crèche ! » C’est vrai ça, au fond, on fait des enfants pour quoi ?) Les laisser enchainer, impassibles, bronchiolite sur bronchiolite ? Faire de la kiné respiratoire et regarder un sauvage écraser de tout son poids le bébé pour lui dégager les bronches ? Les bourrer à longueur d’année d’antibiotiques (la Josacyne ! quelle madeleine !) ? …
Oui, comment avons-nous pu ?
La révélation de nos errements, à nous, mères de la génération Y, ne fait que commencer. Au fur et à mesure que nos Y avancent en âge, ils découvrent, effarés, nos indignités passées. Et, là, on en est qu’à la petite enfance, qu’est-ce que ça va être quand on va parler éducation ? Pas impossible qu’ils nous demandent réparation …
Bon, dans un mol sursaut, je tente une justification assez malhonnête (quoique). Je trouve mes fils déjà tellement parfaits, qu’est-ce que ça aurait donné si je les avais :
- allaités,
- élevés en plein air, élevés en plein Gers,
- certifiés bio ?...
Las.
* Cette chronique est dédiée à Anne-Marie, Claire, Gabrièle, Sabine, Chrystel,…
** Il faut se méfier des technologies. Une de ces copines, complice en maternité et grand maternité, m’envoie un sms ce matin « tu fais partie de mes meilleurs moments de vie, pour les babies partagés, les goys rires… ». Le correcteur automatique (ou l’antisémitisme inconscient du smartphone de mon amie ?) a remplacé « fous » par goys. Étrange...
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