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Les Nouvelles Chroniques d'Annamel : Chère Madame

Dernière mise à jour : 18 janv.







Chère Madame


Il faut que je trouve des sous pour imprimer mon livre de recettes avec ses si jolies photos sur du papier. Beaucoup de sous pour un retour sur investissement incertain quand on voit le nombre de livres de recettes (et de livres tout court d’ailleurs !) qui sortent.

Quand même.

De fil en aiguilles, encouragée par mon fils (« si tu ne le fais pas tu vas le regretter »), par une admiratrice bienveillante qui m’en réserve d’ores et déjà dix exemplaires d’un coup pour offrir à ses amis à Noël, j’en arrive à la conclusion qu’Il faut que je me lance et que je prenne le risque.

Je me motive pour aller au Salon des Entrepreneurs au cas où je trouverais une subvention (dont j’ai entendu dire qu’il y en avait autant que de sortes de pommes de terre) qui trainerait sur un stand. Après tout, je coche pas mal de cases tendance : femme, sénior, entrepreneure.

Je fuis le plus souvent ce genre de manifestation tant j’ai de mauvais souvenirs des grand messes de quand j’étais banquière. Dès mon arrivée, je suis asphyxiée par le monde. Le monde des exposants : ministères, assureurs, banquiers, innombrables associations et assimilées, consultants et coachs en tous genres tous dédiés à aider les entrepreneurs à communiquer, se faire un réseau, prendre du recul, gérer son stress, optimiser son image, …

Je commence par le stand du Ministère de l’Economie où j’explique à un Monsieur très gentil que je cherche des sous pour mon projet qui devrait me permettre de donner un second souffle à ma petite entreprise. Mais comme je ne suis plus « en création » ni en quête de crédit et que je suis encore micro entrepreneure au bout de trois ans, il est navré pour moi mais, non, il ne peut rien mais, en revanche, si je pouvais remplir son petit questionnaire de satisfaction parce que « vous comprenez, c’est idiot, mais, nous, on est évalués là-dessus ». Je fais sagement des croix : satisfaite de l’accueil, moyennement satisfaite des réponses, ne sait pas trop si je recommanderais…

J’erre ensuite entre les différents stands où tant de gens sont prêts à me vendre du conseil. Je m’arrête devant des livres et je me fais harponner par une femme derrière moi qui m’explique que le livre que je tiens dans les mains sur comment se mouvoir sur les réseaux sociaux est d’autant plus génial que c’est elle qui le publie. Je répète bêtement « vous êtes éditrice ? » et en écho elle me répond « vous êtes auteure ? ». Quand je lui parle de mon livre de Chroniques d’une reconversion qui est sur le point paraitre, elle me reproche de ne pas lui avoir envoyé à elle parce que, c’est sûr, elle me l’aurait édité. Elle ajoute que c’est dommage d’avoir pris un éditeur belge. Elle conclue en disant que je ne trouverai jamais un éditeur pour le papier si j’ai déjà vendu le numérique.

Je traine devant les stands des grandes institutions BPI, Entreprendre… Un retraité bénévole s’intéresse une petite minute à moi puis se détourne, dépité, quand je lui parle d’argent « vous n’avez pas besoin de conseil alors ? ». Les conseilleurs ne sont pas les payeurs…

Dans un autre stand, on me propose de m’aider à faire un plan de financement sur 5 ans adossé à un business plan avec trois hypothèses puis de faire bouger les variables dans un système expert ou encore de soumettre mon projet à un jury spécial composé d’étudiants de grandes écoles de commerce qui voudront bien m’écouter puis me rendront un diagnostic sur sa viabilité (et après, si mon projet ne leur plait pas aux étudiants je ferai quoi, moi ?).

Tout d’un coup je ne sais pourquoi je me sens dépassée, et, allez savoir pourquoi ? vieille.

Je rentre à la maison et je me ressaisis illico. Je rédige trois jolis dossiers de demande de subvention pour ma petite entreprise que j’adresse à trois grandes femmes d’exception : la Maire de Paris, la Présidente de la Région Ile de France, la Ministre du Travail. Pour une raison obscure, je m’imagine, que de femme à femme…

Je reçois une première lettre du Cabinet du Ministre qui m’indique qu’elle ne peut rien pour moi mais qu’elle transmet ma demande à la Région. Je reçois ensuite une deuxième lettre à entête de la République Française du cabinet du Préfet qui m’indique qu’ils ne peuvent rien mais qu’ils transmettent à la Mairie.

Je reçois une troisième lettre à entête d’une dame qui m’informe avoir saisi « Le Directeur de l’unité départementale de Paris de la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi…et ses services ne manqueront pas, Chère Madame, de vous tenir directement informée de la suite … ».


A suivre, mais à ce jour, "ses services ont manqué, Chère Madame, de me tenir directement informée de la suite"...

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