Mercure rétrograde
Ma prof de yoga nous a prévenus : Mercure rétrograde. Depuis un certain temps et pour encore un certain temps. C’est pour ça que nous allons mal. Et Dieu sait que nous allons mal !
Je tente d’imaginer Mercure. Je le vois comme un vieux grincheux dans sa Simca 1000, sur l’autoroute du Sud, en train de rétrograder en seconde. Tout le monde klaxonne derrière lui mais il bloque la circulation en avançant trop lentement, parfaitement sourd aux injonctions rageuses. Arrête Mercure !
Oui, nous allons mal.
Brétecher est morte. Ses frustrés m’ont accompagnée à chaque étape de ma vie : de la femme enceinte tellement grosse qu’elle n’arrive plus à toucher les pédales tant elle a dû reculer son siège à la grand-mère qui répond patiemment aux questions innombrables de son petit-fils sur pourquoi les noirs sont noirs, les jaunes sont jaunes…avant d’exploser. Son rire m’aidait à vivre.
Graeme Allright aussi est mort. Réécouter « …il faut mes frères préparer le jour de clarté quand tous les affamés, et tous les opprimés, entendront tous l’appel, ce cri de liberté, toutes les chaines brisées tomberont pour l’éternité …dans ce monde divisé il faut des révoltés pour que les affamés…».
Et moi-même je ne me sens pas très bien…
J’ai du mal avec la mort.
J’ai du mal avec les vieux.
Mon père va mal. Il me demande comment va son grand-père avec lequel il a passé pas mal de temps récemment. Quand je tente de lui expliquer le plus délicatement possible que son grand-père étant né dans les années 1870, il ne sucre plus les fraises depuis fort longtemps, il me reproche amèrement de ne pas l’en avoir informé. Ca ressemble à un problème de cours élémentaire (oui, je sais, on ne dit plus ça, ni Antenne 2, ni une disquette et c’est quoi d’abord une Simca 1000 ? Le problème avec la vieillesse c’est que c’est affreusement contagieux ) : si je suis la mère de mon père et que, dans le même temps, mon fils est devenu père, qui suis-je ?
J’ai du mal avec la généalogie.
J’ai du mal avec le monde.
Je suis devenue incroyablement lente à réagir à ce qui advient. La plupart du temps je ne pense rien. Je n’ai pas d’opinion ou le temps que je m’en forge une, le train est déjà passé.
En ce moment, il y a les Césars, le 49-3 et un virus qui semble virulent et qui risque d'envoyer la planète dans une crise sanitaire, financière et économique magistrale. Hier j’avais rendez - vous avec mon banquier pour parler de ma retraite qui n’est pas « piquée des hannetons ». Il m’annonce que, si « ça » (ça quoi ? Mercure ?) continue, on va tous mourir dans d’atroces souffrances.
J’ai du mal avec les banquiers...
Comments